jeudi 23 février 2017

Vendre ou ne pas vendre de licences d'utilisation

Hier soir avait lieu un débat d'idées sur: doit-on, oui ou non, vendre des licences d'utilisation de nos photos?

À cette fin, deux invités aux points de vue divergents avaient été invités. Pierre Manning du côté du oui et Gabriel Rancourt du côté du non.

La grande salle était bondée. Bondée de partisans du oui ou du non?  Je ne saurais dire, car, si je me fie aux intervenants qui sont venus s'exprimer au microphone, j'opterais pour une grande majorité en faveur du oui, mais quand j'écoute les discussions des silencieux, je n'en suis pas si certain.

La question est complexe et historique. Plusieurs se sont battus des années durant pour changer les moeurs chez les acheteurs de photo de sorte à reconnaitre les licences d'utilisation. Simultanément, le marché de la photographie a été inondé de "néo-photographes improvisés" non éduqués en matière de licences. Ce nouvel équilibre entre l'offre et la demande et, la perception, de la part des acheteurs, que la photographie est dorénavant (à cause du numérique) une opération simple et ayant peu de valeur cré une grande pression financière sur une majorité des membres de la profession.

Les diverses stratégies de marketing pour survivre dans le milieu sont très variées. Comment contrer cette dévaluation du marché et cette sur enchère de photographes? La grosse question est vraiment celle-là selon moi. C'est l'éléphant blanc dans la pièce qui a hanté les discussions hier soir.

Le paradoxe angoissant pour un photographe est: dans quelle mesure dois-je éduquer mon client a accepter une licence et prendre le risque de l'"aliéner" de ses images et lui donner l'impression que je lui mets une corde au pied versus ne pas vendre de licence et maintenir une relation "paisible" avec le client au risque de perdre de l'argent dans le futur et contribuer à semer dans la tête du client que les licences c'est le "caprice" de certains photographes. Ce paradoxe mérite discussions et hier soir était une de ces rares occasions où les points de vue ont tenté de se confronter.

Merci aux organisateurs de cette rencontre sur un sujet si sensible au sein de la communauté. Merci à Gabriel d'avoir eu le grand courage de se présenter en défenseur du non et merci à Pierre pour sa courtoisie et son respect dans un contexte où le dérapage est facile. Les non adhérents à la licence peuvent être considérés comme des parias par les adhérents c'est pour ça que la situation était délicate. Je n'ai qu'un bémol envers le déroulement de cette soirée historique, j'aurais aimé que l'animateur de la discussion interdise aux participants d'applaudir afin de maintenir le décorum, de sorte à rester accueillants envers les points de vue divergents. Je ne suis pas certain qu'un partisan du non sentait qu'il pouvait présenter son point de vue ou ses interrogations sans se sentir très jugé. Une vraie discussion nécessite une plateforme où tous les points de vue sont accueillis avec respect.

Ce débat fait partie d'une plus grande problématique qui est celle de la grande mutation du marché de la photographie professionnelle depuis la démocratisation que le numérique a créé. Oui, la CAPIC avait amorcé sa démarche à faire respecter les droits d'auteur des photographes avant la venue du numérique, mais la situation s'est aggravée en 2000 lors de l'explosion du numérique. Nous ne sommes pas les seuls à vivre cette révolution. Le marché mondial de la photographie commerciale le subit. Il y a des gagnants et il y a des perdants. Pour les bonnes et pour de mauvaises raisons à l'occasion. Ne voulant pas faire de l'aplaventrisme devant les changements sociaux, il reste qu'il faut reconnaitre que ce n'est pas toujours le talent qui gagne et que dans une société de marché, c'est souvent la règle de l'économie qui mène plutôt que le respect et la logique financière à long terme.

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